La tracadie, la bouette et le marocain

[J-B]

Le 24 au soir, après 5 heures de route, nous arrivions au petit chalet que mon épouse avait loué pour la semaine. Modeste pour le citadin moyen, mais gros gros luxe pour le chasseur que je suis (eau chaude et électricité), nous nous installions doucement pour la semaine.

Voyez vous, depuis le début de juillet, les beaux parents sont en visite du Maroc. Ils ont décidés qu'en 2023, ils visitaient leurs deux enfants à l'étranger. Un en Allemagne, une au Canada. Bref, souper et on s'installe doucement. Évidemment, moi, j'avais ma propre idée de ce que je voulais en Tracadie: le beau père n'avait jamais pêché de sa vie.

Le mardi matin, mon épouse et moi-même sortons pour faire les courses. J'en profite pour faire un stop au ecotone et au pronature de la place pour prendre des renseignements. On me donne 2-3 spots, on me vend le nécessaire et on m'explique qu'il me faudra de la bouette (des morceaux de maquereau). Bien équippé, nous retournons au chalet pour ranger les courses et cueillir les beaux parents. Direction: la plage à Caraquet.

Nous prenons la route vers 14:00 (ça se lève tard ici) et je vais déposer les femmes à la plage. Le beau-père et moi même partons à la recherche du quai, que nous reperrons rapidement en suivant les directions de la responsable de la plage. J'installe la ligne et avant même d'avoir eu le temps de mettre à l'eau, l'eau me tombe dessus a grosses goutes. Un orage éclate peu après. Nous rangeons le matériel et allons chercher les femmes. Le temps de tout rapailler le matériel de la plage, le soleile est de retour. Elles n'ont plus envie, alors nous retournons sur le quai. Nous avons une canne pour quatre personnes et Soukaina (mon épouse) prend un maquereau qui s'était visiblement perdu (marée basse). Nous retournons au chalet pour la soirée, souper, cartes, relax, etc. Je sors seul pour aller pêcher dans une rivière proche, mais ayant oublié mon chasse moustique au chalet, je rentre les mains vides et la queue entre les jambes après seulement 40 minutes. Il y a du moustique en tabarnouche en tracadie.

Le lendemain, les femmes veulent retourner à la plage. Même manège mais cette fois nous convenons de tous rester ensemble. Plage d'abord (je n'ai pas le droit d'y pêcher), puis pêche. Je fais un stop rapidos au pronature car un anneau de ma vieille canne avait brisé la veille. Je m'offre une surf rod. J'en profite pour redemander conseil, on me recommande le quai de Maisonette, une petite communauté à 30 minutes de Caraquet. 
Après la plage, nous nous mettons en route pour l'endroit recommandé pour nous rendre compte que le quai n'existe plus. Bordel. Nous soupons dans un snack bar de la place et retournons au chalet. Ce soir là, je ramasse ma canne neuve et je file seul pour la pêche. Le beau père est fatigué, il reste au chalet. L'endroit ou je me rend est proche du chalet, dans un chenail ou passent les bateaux. Il y a des pêcheurs locaux et quelques petits bars se prennent, mais rien de légal. Je rentre au chalet skunké, encore une fois. J'avoue qu'à ce moment, je commençais a me vexer. Pas foutu de prendre du bar rayé dans la péninsule Acadienne, c'est poche. Rentré après la noirceur, je me promet que pour le le demain jours, je vais y mettre de l'effort sérieux.

Jeudi matin, 5:00, je me lève au son d'une petite pluie qui tambourine dehors. J'ai laissé mon imperméable à la maison, mais pas fait en chocolat, je met mon costume de bain, du chasse moustique en masse, je pacte le matériel dans le VUS et je décolle. Je vais essayer un nouveau spot.

Rendu sur les lieux, je dois marcher un 20 minutes pour arriver à la berge. Les moustiques s'y remettent, mais Watkins me sauve du gros de la misère. La pluie par contre, empire. Rendu à la berge, je suis déjà pas mal trempe. Une heure plus tard, j'ai froid, je suis trempé à l'os et je soupçonne que mon watkins ne résiste pas à l'eau car les moustiques reprennent de plus belle. Je retourne au chalet, frustré. Nous passons la journée dans un village acadien d'antan, et le soir, je propose au beau père de réessayer. Il accepte. Nous tentons encore un nouveau spot. 
Arrivé sur les lieux, je déballe le matériel. Nous avons maintenant deux cannes, alors je bouette la première, la lance et lui met entre les mains. Je bouette la seconde, la lance et la dépose, je sors deux bières (sans alcool, il est musulman) et nous regardons le large tranquillement.

Je je me souviens pas de ce que je faisais quand ma canne a pliée, mais je n'étais pas a mon affaire. J'avais les mains occupées avec quelque chose. J'ai tout lâché et je suis partit a la course pour ferrer, mais trop tard. Là, j'étais excité. C'était une touche franche. Il y a du bar ici. Je dis au beau père de ramener, on va rafraichir la bouette et relancer. Il ramène un homard

Bref, je le renvoie à l'eau, j'appate et je relance les deux cannes. Cette fois, j'ai la canne dans les mains et je suis pret, mais a sa grande surprise, c'est la canne du beau-père qui plie. N'ayant jamais pêché de sa vie, malgré les explications que je lui avais donné, il ne savait pas trop quoi faire alors je lache ma canne et je me précipite vers lui. Vous auriez du voir la tête qu'il faisait. 72 ans, son tout premier poisson, et il a mordu franc. Quand je suis arrivé, il avait reprit le dessus et moulinet tant bien que mal, en combat avec ce qui semblait être un specimen acceptable. Définitivement pas un homard cette fois.

Je fais une parenthèse: au Nouveau Brunswick, il faut écraser l'ardillon. 
Après quelques dizaines de secondes de combat, Mohamed m'annonce, un peu penaud, que le poisson c'est échappé car il n'y a plus de tension sur la ligne. J'ai eu un moment de panique. La ligne est lousse, pas d'ardillon mais son fil est partit vers la gauche, lousse. Son poisson nage vers nous. Je lui crie de continuer a mouliner et je balaie l'eau du regard à la recherche du poisson. L'aperçois un bouillon a gauche. Je m'avance rapidement vers l'eau. Le bar est à 3-4 pieds de la berge, visiblement sonné alors je me prépare a sauté pour aller le chercher mais du même coup, Mohamed remet de la tension sur le fil et ramène le poisson à la berge, fou de joie. Je le prend, lui retire son hameçon et prend une mesure: 23 pouces, 58cm. Il est légal. Je le met rapidement hors de ses souffrances, vidé et sur la glace. 
Le reste de la soirée fut sans évènements, mais c'était le gros bonheur. Mon épouse me disait qu'elle ne se souvient pas de la dernière fois qu'elle l'a vu aussi excité. Je lui explique que le pêcheur choisit la cuisson, et il me dit qu'il aimerait bien aue sa femme le fasse à la Marocaine. Nous savons donc ce que nous magerons samedi.

Ce matin, 5:00, je me lève et prépare l'attirail. Aujourd'hui, c'est le jour du départ. Inutile de vous dire que Mohamed était debout et pret depuis 3:15 ce matin. Nous pactons le VUS, stoppons chez Tim pour un café et filons au même spot qu'hier. Au fond de ma pensé, je sais que la partie d'aujourd'hui sera courte: il ne reste presque plus de Maquereau, mais je sais aussi que le levé du soleil sur l'Atlantique sera merveilleux. 
J'appate et lance les deux cannes, mais ce matin, j'en profite pour lui enseigner comment lancer et, force pratique, il y arrive, mais ne réussit pas à aller chercher la même distance que moi. Donc, je lui lance. Nous prenons notre café tranquillement en regardant le levé du soleil à couper le souffle et vlan! Sa canne se cambre de nouveau. Cette fois, il est pret. Il ferre le poisson et entame le combat pendant que je ramène rapidement la mienne (habitude de gars qui pêche la grise en trolant) et que je chercher le gallon à mesurer. Une fois mes préparatifs terminés, je constate qu'il ne nous reste aucun maquereau, alors cette prise est la dernière. Je me rend a ses côtés pour aider, mais il est resté prit au fond. Un autre pêcheur nous explique qu'il y a beaucoup de cages à homard a cet endroit, perdu et apportès là par les tempêtes. Je soupçonne que le deuxième hameçon a trouvé une cage et y est resté coincé. Après une dizaine de minutes à tenter tant bien que mal, nous nous rendons à l'évidence. Je coupe son fil et nous rapaillons notre matériel, quittant la berge de l'Atlantique pour la dernière fois un peu déçu, mais la tête pleine de bar rayé, de levé du soleil et de maudit moustiques acadiens.

Je crois qu'il y a un nouveau pêcheur dans la famille!

[LacAlbanel]

Du bonbon ça mon ami haha!!!!

Quelle belle initiation, un bar rayé de 23 pouces...  

Bravo pour ta/votre ténacité, ça a fini par payer!!!

Je sais ce qu'il devait ressentir comme feeling, ayant eu le privilège d'initier à la pêche pendant plusieurs années des étudiants universitaires étrangers d'un peu partout dans le monde.  Même avec une truite mouchetée de 6 pouces, ils sont fous de joie!!!

Et c'était amusant.  Avant d'aller pêcher, je leur donnais une petite formation/mini-conférence et, je posais toujours la question: -Avez-vous déjà pêché?  Et certains levaient la main pour confirmer.  Je leur demandais alors: Quelle méthode vous utilisez?  Et la réponse classique: -Bin, au filet!!! 

Autres pays, autres moeurs!!!

Merci pour ce génial récit et encore bravo!!!

Éric

[neo]

Super récit JB! Merci!

[Gabriel Touchette]

Bel example de tenacité ca JB! C'est plate quand les conditions ne sont pas de notre coté mais vous ave travaillé fort et tu as réussis a faire prendre le premier poisson a ton beau père! Félicitations!

Merci du partage

[x-rap]

Très superbe récit. Il y a plus qu'une histoire de pêche, il y a un contexte particulier, les beaux parents du Maroc en visite, un beau père qui n'a jamais pêché, une belle mère qui préparera à la marocaine le premier poisson de son mari... bref du bonheur pour toute la famille réunie. Mon café était meilleur ce matin.

[J-B]

Bien content que ça fasse votre bonheur!

[Bach]

Poignant ton récit - et très ... coloré !

C'est comme si j'avais lu une danse Tango ...

 

[J-B]

Il y a 2 heures, Bach a dit :

Poignant ton récit - et très ... coloré !

C'est comme si j'avais lu une danse Tango ...

 

Pas certain de ce que tu voulais dire par coloré, je suis allé me relire. Ouf, les fautes!!!

Pardonne moi, c'est rédigé sur mon téléphone entre deux gorgées de café

[Bach]

Coloré dans le sens des rebondissements, coloré aussi dans des chocs de cultures et des chocs d'âge - tango car on y avance puis recule  pis re-avance puis tournoie - c'est simple mais puissant et ca me fait penser à :

the old man and the sea

3     3     3      3     3    3   =  1 beau poisson

 

 

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prends toi pas trop la tête - je te compare indirectement à Ernest ... tellement j'ai apprécié la petite lecture

 

Modifié Juillet 29, 2023 par Bach
typo

[J-B]

il y a 13 minutes, Bach a dit :

Coloré dans le sens des rebondissements, coloré aussi dans des chocs de cultures et des chocs l'âge - tango car on y avance puis recule  pis re-avance puis tournoie - c'est simple mais puissant et ca me fait penser à :

the old man and the sea

3     3     3      3     3    3   =  beau poisson

 

 

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prends toi pas trop la tête - je te compare indirectement à Ernest ... tellement j'ai apprécié la petite lecture

 

Oh! Quand même, merci du compliment!